Comprendre la croissance musculaire, qu’est-ce que l’hypertrophie ? Partie I

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Arnold Schwarzenegger et croissance musculaire ou hypertrophie

Image 1: Le Governator Arnold Schwarzenegger, adolescent et dans la vingtaine. A part la puberté, quels sont les mécanismes sous-jacents de l’augmentation de la masse musculaire ? Au niveau myocellulaire bien entendu !

Ces nouveaux articles traduits du blog SuppVersity sont extraits de la série « Understanding Muscle Growth« . L’introduction « Comprendre la croissance musculaire » a été séparée en deux parties par l’auteur, il s’agit ici de la première partie qui concerne l’hypertrophie musculaire. La seconde partie de cette introduction sur l’hypertrophie musculaire s’attardera sur les principes de stimulation qui permettent de dépasser les limites de l’adaptation neuromusculaire et donc, de déclencher la croissance des fibres.

Ces articles d’introduction seront ensuite suivis par 8 autres articles qui entreront plus dans les détails en ce qui concerne les différents facteurs relatifs à la croissance musculaire elle-même, les hormones, les myokines (testostérone, DHT, IGF-1…) et les facteurs de croissance parmi d’autres. J’espère cependant que ces articles vulgarisés sur l’hypertrophie le seront suffisamment afin qu’un maximum de lecteurs puissent comprendre ces mécanismes biologiques le mieux possible.

Voici la première partie de cette introduction…

Eric Mallet

En réalité, qu’est-ce que l’hypertrophie du muscle squelettique ?

Avant d’essayer même de répondre à cette question, je vais vous rappeler quelque chose que vous aviez appris sur la «croissance» dans l’un des épisodes précédents de cette série. Dans Muscle Building Starts With Losing Weight {NdT: Articles en cours de traduction}, vous avez appris que l’une des plus grandes erreurs de compréhension sur la prise de masse musculaire «classique», c’est à dire de manger tout ce qui ne peut pas échapper à votre faim vorace pour la masse entraine l’hyperplasie des adipocytes. Vous pouvez également vous rappeler que cette augmentation du nombre de cellules de graisse se produit lorsque vos réserves de graisse existantes sont prêtes à partir en fumée et que votre corps est dans le besoin de nouvelles capacités de stockage. De manière analogue, vous pourriez vous attendre à ce que vos fibres musculaires en arrive à une « hypertrophie » (causée par une surcharge mécanique et l’abondance constante de nutriments) jusqu’à ce qu’elles soient «prêtes à éclater», puis à se diviser et à former de nouvelles fibres musculaires. (Mal…)heureusement, les myocytes ne sont pas des adipocytes et en réalité; les choses fonctionnent un peu de manière différente ici.

La croissance des fibres musculaires par hypertrophie et hyperplasie

Tableau 1: Vue d’ensemble des 3 principales voies de la croissance musculaire

Note EM: Pour parler CLAIREMENT, ce que veut dire le Dr. Andro (l’auteur de l’article), c’est qu’au plus vous allez brûler de graisse et donc mettre en péril vos réserves d’énergie, au plus l’organisme va réagir en multipliant les adipocytes afin de pouvoir stocker encore plus de graisse qu’il ne pouvait le faire avant de perdre ces mêmes réserves. A l’opposé, ça ne marche pas de la même manière pour les myocytes. Il ne suffit pas de se goinfrer pour multiplier vos fibres , les mécanismes de l’hypertrophie musculaire (et a fortiori de l’hyperplasie) sont bien plus complexes que cela comme nous allons le découvrir dans cette nouvelle série d’articles. Par contre, pour les graisses, notre corps est programmé pour la survie, c’est son premier programme de fonctionnement, comme je l’avais expliqué sur Wanafit. En outre, cette simple remarque est particulièrement dévastatrice pour ceux (Geeks, avortons et freluquets de leur état) qui espèrent encore que le principe de la prise de masse a du sens.

En réalité, ce principe en a peu pour les bodybuilders naturels mais déjà un peu plus pour les athlètes assistés de substances dopantes puisqu’il s’agit là surtout de l’accélération de la synthèse des protéines (du côté des myocytes) et du stockage augmenté du glycogène, ce dont un bodybuilder « naturel » ne peut profiter à un niveau aussi élevé. Cela dit, cela ne veut pas dire non plus qu’un Gainer ou une protéine multi-sources est inutile pour un musclé naturel, bien au contraire. En réalité, il suffit simplement de SAVOIR COMMENT l’utiliser (ou en profiter) pour obtenir un maximum de résultats en muscle et réduire les gains en graisses tout en gardant à l’esprit ce que je viens de dire plus haut. Pour clore la parenthèse (et pour ceux qui ne me connaissent pas), j’ajouterai que vous ne devez pas lire de jugement de valeur venant de ma part. Je me contrefous de savoir si vous êtes naturels ou assistés de substances, chacun voit midi à sa porte. J’explique simplement comment les choses se passent.

Fin de la parenthèse, revenons à l’article de la SuppVersity…

Si vous jetez un œil sur la vue d’ensemble donnée par le tableau 1, vous verrez qu’il y a deux, peut-être trois voies distinctes qui contribuent à ce que l’athlète moyen estime connaître sous le terme d’hypertrophie :

  • Voie A – Hypertrophie via le recrutement et l’augmentation des cellules satellites du nombre de myonuclei par fibre musculaire (NdT: myonuclei = noyaux des fibres musculaires)
  • Voie B – Hypertrophie par augmentation de la taille du domaine myonucléaire au sein d’une fibre musculaire existante
  • Voie C – Hyperplasie, augmentation de la taille du muscle par la division cellulaire et donc par une augmentation du nombre de fibres musculaires

L’existence de différents types de fibres, ou pour être précis, de la coexistence des différents types de fibres (à contraction rapide, contraction lente et divers sous-types) à des ratio variables au sein d’un groupe musculaire unique complique les choses encore un peu plus. Au lieu de vous donner les informations théoriques habituelles des fibres de type I et de type II et comment les premières sont censées être utilisés pour l’endurance et les secondes pour l’entraînement en force, nous allons discuter de la question sur la base d’une perspective plus pratique et nous poser d’abord la question: Qu’est-ce que que nous voulons réellement ?

Je veux dire, vous vous moquez pas mal des processus hypertrophiques mais vous voulez devenir massif avec du volume non ?

En supposant que ce soit le cas, nous devrions d’abord définir ce que « massif et volumineux » veut dire à un niveau myofibrillaire tout en considérant la nature des muscles de nos « jeunes débutants » de la culture physique – et je vous garantie que ce que vous allez apprendre aujourd’hui ira, une fois encore une fois (!), contre la sagesse conventionnelle. Pourriez-vous vous attendre à ce que la musculation soit un sport qui se caractérise par une perte de fibres hautement glycolytiques de type IIb et qu’il augmente à la fois les fibres de type intermédiaire IIa, ainsi que les muscles à contraction lente de « type endurance » ? Non ? Eh bien, jetons un œil sur les données du tableau 2:

Type de fibres musculaires en fonction des sports de force ou endurance

Tableau 2: Composition des fibres des bodybuilders, athlètes de force amateurs, athlètes de l’aviron (endurance) et sédentaires (contrôle), déterminée par leur quantité isoforme de myosine à chaîne lourde (MHC) du muscle triceps brachii (Jurimäe 1997).

Les résultats des biopsies musculaires de 1997 effectuées par Jurimäe et al. (Cf. tableau 2) montrent clairement que de devenir « massif et volumineux » ne passe aucunement par le fait de maximiser « fibres de type II, les plus sujettes à l’hypertrophie » comme vous avez pu le lire à plusieurs reprises sur les forums ou les nombreux blogs d’experts auto-proclamés (Jurimäe. 1997). Un bodybuilder est plutôt une personne qui a maximisé l’expression de la myosine à chaîne lourde (MHC) I et IIa. Plus précisément, en référence à ces dernières, les auteurs écrivent:

Il est intéressant de noter que Kraemer et al. (1995) ont fait état d’une absence de changement des fibres musculaires constituées principalement de MHC de type IIb (à savoir des fibres FTb) à la suite d’un programme d’entraînement de résistance de 12 semaines. Cela suggère que le passage des protéines MHC de type IIb au type IIa isoformes peut être considéré comme une condition préalable nécessaire à l’hypertrophie des fibres FT. Conformément à ces données, cela correspond à la corrélation négative significative (r = -0,67) entre le pourcentage de MHC isoformes de type IIb et la circonférence du bras. De même, la circonférence plus petite des bras du groupe C peut être due en partie, à la plus grande teneur en MHC isoformes de type IIb  de ce groupe.

Ou plus simplement, les fibres de type IIb « fortes » ont une  propension à l’hypertrophie très limitée (si c’est le cas). Alors que pour maximiser la croissance, il est nécessaire de déclencher un glissement vers les fibres de type IIa plus «intermédiaires». Si vous prenez en considération, comment presque tous les culturistes le font maintenant, à savoir une approche d’entraînement de volume, c’est en réalité quelque chose que vous pourriez être en mesure de déduire simplement à partir de ce qui a fonctionné et fonctionne toujours pour 99% des athlètes.

Comparaisons des myosines en mode isoinertiel, isométrique, isokinétique

Tableau 3: Inter-corrélations entre myosines à chaine lourde (MHC) pour l’indice de force isomorphe et iso-inertielle (1RM max), isométrique (extension) et isocinétique (extension du couple maximal), indices de force (Jurimäe 1997)

Plus encore, les données du Tableau 3 montre que cela ne signifie pas nécessairement que vous devrez sacrifier votre force, comme le pourcentage de fibres de type IIa ne correspond pas seulement à une augmentation de la taille du muscle, mais aussi à l’augmentation de la force iso-inertielle (1-RM max, r = 0,66), isométrique (charge de travail, r = 0,51) et isocinétique (couple maximale 0,61). Devenir « fort et massif » et prendre de la force nécessitent donc tous deux un profond changement dans la composition des fibres « concédées par Dieu », mais pourquoi ?

Hyperplasie du muscle squelettique – oui ou non ? Bien qu’il existe quelques études qui parlent de réactions hyperplasiques à l’étirement ou d’autres formes de surcharges artificielles, un grand nombre (sinon la totalité) d’entre-elles ont été réalisées sur des myofibres aviaires (Kelly. 1996), qui, en raison de leur arrangement particulier font que a) il très difficile de faire la distinction entre un chevauchement croissant causé par la croissance longitudinale de terminaisons intrafasciculaires {NdT: des terminaisons apparaissent à l’intérieur des fascicules} des fibres musculaires squelettiques et l’hyperplasie «réelle» et b) celle-ci ne pourrait peut-être même pas se traduire chez l’être humain. Voici pourquoi je vais ignorer la question de l’hyperplasie dans cette discussion.

 

 

Une étude très récente réalisée par un groupe international de scientifiques en Suède et aux États-Unis pourrait nous fournir quelques indications, nous apprenant pourquoi ces transformations de fibres sont nécessaires si vous voulez vous voir pousser des jambes comme des troncs et des bras à en étirer vos manches. Dans cette étude, publiée le 28 Novembre 2011, dans le FASEB Journal (Qaisar. 2011), Rizwan Quaisar et ses collègues fournissent une analyse détaillée de la composition des fibres du muscle de souris qui sont soit déficientes en myostatine ou qui surexpriment l’hormone de croissance du renforcement musculaire l’IGF1 (nous parlons d’IGF1 intra-musculaire, ici !).

Nombre de noyaux et volume du domaine myonucléaire de souris deficientes en myostatine par rapport à des souris qui surexpriment l'IGF-1

Tableau 4: Zone de section transversale (CSA), nombre de noyaux et taille du domaine myonucléaire de souris déficientes en myostatine et souris surexprimant l’IGF1 par rapport au groupe de souris sauvages contrôle témoin (Quaisar 2011)

Comme on peut s’y attendre, les souris déficientes en myostatine et qui surexprimaient l’IGF-1 étaient toutes deux plus musclées que leurs cousins sauvages. Il y avait, comme vous pouvez le voir dans le tableau 4, des différences significatives concernant la taille des fibres (CSA), le nombre de noyaux (myonuclei) par fibre, et le volume du domaine des myonuclei individuels pour l’extenseur à contraction exclusivement rapide digitorum longus (EDL) et le muscle soléaire à contraction principalement lente.

Si vous jetez un coup d’œil de plus près sur les données, vous remarquerez que chez les « souris IGF1 », la croissances musculaire de l’EDL (digitorum longus) est principalement créée par l’augmentation du nombre de noyaux, une caractéristique absente pour les fibres à contraction principalement lente du muscle soléaire. Les augmentations profondes de la taille du domaine myonucléaire  qui se produisent chez les souris déficientes en myostatine, d’autre part, se traduisent par des réductions profondes de la fonction musculaire {NdT: rapport anormal entre le cytoplasme et le nombre de noyaux}.

Force spécifique, rigidité et teneur en myosine axes secondaires du muscle extenseur des orteils et du muscle soléaire

Tableau 5: Force spécifique, rigidité et teneur en myosine (axes secondaires) de l’EDL et du muscle soléaire par rapport au groupe de contrôle de souris sauvage, souris déficientes en myostatine et surexprimant l’IGF 1 (Qaisar. 2011)

Autant la force spécifique que la rigidité musculaire sont profondément réduites pour le muscle EDL de la souris déficiente en myostatine (cf. figure 5), parce qu’il a dépassé le volume du domaine myonucléaire maximum acceptable au point de devenir totalement dysfonctionnel. {NdT: Rapport déséquilibré entre le cytoplasme et les noyaux = perte de force et de rigidité}.

Volume du domaine myonucléaire du muscle extenseur des orteils et du muscle soléaire

Tableau 6: Volumes des domaines myonucléaires de l’EDL et du muscle soléaire par rapport au groupe de contrôle de souris sauvage, souris déficientes en myostatine et surexprimant l’IGF 1 (Qaisar. 2011)

Ceci est encore plus évident si vous jetez un œil sur le volume du domaine myonucléaire pris isolément (cf. tableau 6). La croissance « incontrôlée » est en partie le résultat d’un manque de recrutement des cellules satellites et de l’augmentation conséquente du nombre de noyaux qui paralysent la plupart des animaux pourvues de mutations du gène de la myostatine.

Hypertrophie Musculaire = Augmentation du nombre de noyaux ET du volume du domaine myonucléaire

Une croissance musculaire saine – qui est l’objet même de cet article et de ceux qui vont suivre sur la construction des muscles – est donc une conséquence directe de «hypertrophie» communément associée à la synthèse accrue des protéines (et une diminution de la dégradation constante des protéines) ainsi que les extensions ultérieures de volume des domaines myonucléaires individuels AVEC le recrutement des cellules satellites, qui forment alors de nouveaux noyaux.

Métaphore des ballons pour l'hypertrophie du muscle squelettique

Image 2: Métaphore des ballons de l’hypertrophie du muscle squelettique.

Remarque: Si vous vous représentez une fibre musculaire comme un certain nombre de ballons qui sont maintenus ensemble par un filet élastique {NdT: cellules retenues par les fascicules}, les myonuclei {noyaux} seraient dans les ballons individuels, qui, à leur tour, représentent les domaines myonucléaires {l’intérieur des ballons est mis pour le domaine myonucléaire}. Vous pourriez donc augmenter la taille des muscles, à savoir étirer le filet, soit par gonflage des ballons, à savoir l’augmentation de la taille du domaine myonucléaire, ou en ajoutant simplement plus de ballons au filet. Ce dernier serait alors l’équivalent du recrutement de nouveaux myonuclei {noyaux} du pool de cellules satellites dans le sarcoplasme des fibres musculaires.

Commentaire: Même si la digression concernant les croissances musculaires anormales liées à un défaut de myostatine ou de surexpression de l’IGF1 peut paraître un peu longue, celle-ci met surtout en valeur l’importance de l’augmentation de la synthèse des protéines en relation directe avec une expansion du cytoplasme en rapport conséquente avec l’augmentation des noyaux permise par le développement des cellules satellites. C’est le principe même de l’hypertrophie.

L’article suivant du Dr. Andro sur l’hypertrophie s’attardera sur les leviers qui permettent le déclenchement de ces processus aboutissant à la prise de muscle. Mais tout ceci ne fait que commencer, ces articles et cette aventure sur l’hypertrophie musculaire vont s’étendre sur 8 autres articles.

Mais d’ici là, n’oubliez pas de développer votre culture physique et de vous abonner à la newsletter pour vous tenir au courant de la sortie des prochains articles.

Eric Mallet

A propos de l'auteur

Passionné et pratiquant de la musculation depuis près de 28 ans, je me suis toujours intéressé au développement des ergogènes et de la nutrition sportive. Diplômé des universités Lille 3 et Paris 7, je travaille actuellement sur la rédaction de plusieurs ouvrages dont la sublimation par la culture physique et la musculation sur le plan psychanalytique. Consultant dans le domaine des compléments alimentaires, j'accompagne les entreprises dans le développement de leur stratégie de vente et de communication en matière de nutrition sportive. Espace Corps Esprit Forme est à considérer comme un blog de vulgarisation scientifique, destiné à aider les athlètes tout en leurs donnant des informations scientifiques utiles à leur pratique des sports de force.

2 Commentaires

  1. Eli Gauthier -  23 mai 2016 - 23 h 53 min

    Ça me semble le début d’une série d’articles passionnants!

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