Peut-être est-il possible que les ecdystéroïdes – un groupe d’hormones stéroïdes anabolisantes d’origine végétale que vous pouvez acheter en tant que complément alimentaire – devraient figurer sur une liste des substances dopantes. C’est ce que des biochimistes allemands écrivaient il y a trois ans. Aujourd’hui, cela n’est pas encore le cas. Mais si les ecdystéroïdes modifiés que des chimistes hongrois ont découverts sont mis sur le marché, cela pourrait changer. En tubes à essai, les effets anabolisants de certains de ces ecdystéroïdes sont trois fois plus importants que ceux des ecdystéroïdes classiques.
Les ecdystéroïdes
Il s’agit de molécules à structure stéroïde présentes dans certains végétaux comme les épinards ou le quinoa. Le plus connu d’entre-eux est l’ecdystérone. Durant des études sur animaux, l’ecdystérone avait augmenté la masse musculaire, stimulé la croissance du cartilage d’articulations et amélioré la qualité de la peau.
La poststérone, un dérivé de l’ecdystérone
Des chimistes hongrois, associés à l’Université de Szeged, ont signalé en 2015 que la poststérone, une version structurellement plus courte de l’ecdystérone, présentait un effet anabolisant plus important en éprouvettes que l’ecdystérone. [J Nat Prod. 23 oct. 2015; 78 (10): 2339-45.] La poststérone est présente en petites quantités dans presque toutes les plantes contenant de l’ecdystérone et pourrait donc se retrouver dans l’organisme lors de la conversion de l’ecdystérone.

Des ecdystéroïdes synthétiques
Cela devrait être effectivement le cas, pensaient les Hongrois. Et ainsi, dans leur laboratoire, ils ont commencé à modifier des ecdystéroïdes – dans l’idée d’obtenir de meilleurs résultats que la poststérone. Et, comme ils l’écrivent dans un article paru dans Biorganic Chemistry, ils ont effectivement réussi.
Ils ont trouvé 8 ecdystéroïdes modifiés qui étaient plus anabolisants que l’ecdystérone. Les ecstystéroïdes activent la molécule de signalisation de l’anabolisme Akt (Note EM: on parle de la phosphorylation d’Akt ou de son activation). Les chercheurs ont même mis à jour 3 molécules étant trois fois plus fortes que l’ecdystérone [composants 11, 12 et 16].


Pour autant que nous le savons, la plupart des molécules synthétisées par les chercheurs hongrois ne sont pas présentes dans la nature. Elles n’ont jamais été décrites ni répertoriées.
Conclusion
Il y a fort à parier qu’une entreprise décide d’associer ces molécules à un nouveau supplément et de le mettre sur le marché. Mais est-ce que nous pouvons toujours considérer ces ecdystéroïdes comme des substances naturelles ? Est-ce que nous pouvons admettre qu’elles se retrouvent dans un complément ? N’y aurait-il pas justement de trop grandes similitudes avec la définition même du dopage ?
Source de l’article: Modified ecdysteroides with more anabolic effects
Source Ergo-log: Bioorg Chem. 2018 Oct 31;82:405-13.
Note: Dopage ou pas dopage, la question commence à se poser au sujet de ces ecdystéroïdes modifiés en laboratoire… Molécules manipulées à partir de la molécule originale et présente dans certains végétaux, il me parait difficile de parler encore d’ergogènes naturels.
C’est un peu le même sujet qui s’était posé avant l’interdiction des prohormones vers la fin des années 1990 où les fabricants prétextaient que les prohormones étaient naturellement synthétisées dans l’organisme (ce qui était vrai pour la plupart des variantes de l’androsténédione et de l’androsténédiol). Mais entre ce qui est naturellement présent dans la nature ou ce qui est ajouté en quantité tellement importante qu’on ne la retrouve jamais dans un organisme sain, c’est précisément entre ces termes que la définition du dopage peut varier. Disons que si une molécule naturellement présente dans la nature est manipulée, il n’est plus possible de parler d’ergogènes naturels (comme le sont la créatine ou l’acide ursolique) mais bien d’une volonté d’obtenir un effet dopant. De toute évidence, ajoutons qu’une large majorité de substances pharmaceutiques sont elles aussi dérivées de molécules naturelles. Pour ma part, je relaie l’information, ensuite, chacun en pensera ce qui lui convient.
Eric Mallet
Références bibliographiques
- Csábi J. et al., Oxidized Metabolites of 20-Hydroxyecdysone and Their Activity on Skeletal Muscle Cells: Preparation of a Pair of Desmotropes with Opposite Bioactivities, J Nat Prod. 2015 Oct 23;78(10):2339-45.
- Issaadi HM. et al., Side-chain cleaved phytoecdysteroid metabolites as activators of protein kinase B., Bioorg Chem. 2018 Oct 31;82:405-413.
- Kumpun S. et al., The metabolism of 20-hydroxyecdysone in mice: relevance to pharmacological effects and gene switch applications of ecdysteroids, J Steroid Biochem Mol Biol. 2011 Aug;126(1-2):1-9.
- Bâthori M, Toth N, Hunyadi A, Mârki A, Zador E. (2008). Phytoecdysteroids and anabolic-androgenic steroids – Structure and effects on Humans, Current Médicinal Chemistry 75:75-91.
- Chermnykh NS, Shimanovsky NL, Shutko GV, Syrov VN. 1988. Effects of methandrostenolone and ecdysterone on physical endurance of animais and protein metabolism in the skeletal muscle, Farmakologiya i Toksikologiya6 57-62.
- Foucault AS, Mathé V, Lafont R, Even P, Dioh W, Veillet S, Tomé D, Huneau D, Hermier D, Quignard-Boulangé A. 2012. Quinoa extract enriched in 20- hydroxyeedysone protects mice from diet-induced obesity and modulâtes adipokines expression, Obesity 20:270-277.
- Foucault AS, , Dioh W, Lafont R, Veillet S, Tomé D, Quignard-Boulangé A, , Clément K, Rizkalla S. 2014. 20-Hydroxyecdysone increases android fat mass loss with no significant effect on muscle mass loss during a weight loss program in obèse and overweight subjects, ICFSR 2014 International Conférence of Frailty and Sarcopenia Research, Barcelone, 12-14/03/2014.
- Gorelick-Feldman J, MacLean D, llic N, Poulev A, Lila MA, Raskin I. 2008. Phytoecdysteroids increase protein synthesis in skeletal muscle cells, J. Agric. Food Chem. 56: 3532-3537.

Petit rappel – simplifié – en image sur la voie Pi3K/AKT/mTOR
Des ecdystéroïdes modifiés présenteraient des effets anabolisants augmentés
04 - 12
2018
Les ecdystéroïdes
Il s’agit de molécules à structure stéroïde présentes dans certains végétaux comme les épinards ou le quinoa. Le plus connu d’entre-eux est l’ecdystérone. Durant des études sur animaux, l’ecdystérone avait augmenté la masse musculaire, stimulé la croissance du cartilage d’articulations et amélioré la qualité de la peau.
La poststérone, un dérivé de l’ecdystérone
Des chimistes hongrois, associés à l’Université de Szeged, ont signalé en 2015 que la poststérone, une version structurellement plus courte de l’ecdystérone, présentait un effet anabolisant plus important en éprouvettes que l’ecdystérone. [J Nat Prod. 23 oct. 2015; 78 (10): 2339-45.] La poststérone est présente en petites quantités dans presque toutes les plantes contenant de l’ecdystérone et pourrait donc se retrouver dans l’organisme lors de la conversion de l’ecdystérone.
Des ecdystéroïdes synthétiques
Cela devrait être effectivement le cas, pensaient les Hongrois. Et ainsi, dans leur laboratoire, ils ont commencé à modifier des ecdystéroïdes – dans l’idée d’obtenir de meilleurs résultats que la poststérone. Et, comme ils l’écrivent dans un article paru dans Biorganic Chemistry, ils ont effectivement réussi.
Ils ont trouvé 8 ecdystéroïdes modifiés qui étaient plus anabolisants que l’ecdystérone. Les ecstystéroïdes activent la molécule de signalisation de l’anabolisme Akt (Note EM: on parle de la phosphorylation d’Akt ou de son activation). Les chercheurs ont même mis à jour 3 molécules étant trois fois plus fortes que l’ecdystérone [composants 11, 12 et 16].
Pour autant que nous le savons, la plupart des molécules synthétisées par les chercheurs hongrois ne sont pas présentes dans la nature. Elles n’ont jamais été décrites ni répertoriées.
Conclusion
Il y a fort à parier qu’une entreprise décide d’associer ces molécules à un nouveau supplément et de le mettre sur le marché. Mais est-ce que nous pouvons toujours considérer ces ecdystéroïdes comme des substances naturelles ? Est-ce que nous pouvons admettre qu’elles se retrouvent dans un complément ? N’y aurait-il pas justement de trop grandes similitudes avec la définition même du dopage ?
Source de l’article: Modified ecdysteroides with more anabolic effects
Source Ergo-log: Bioorg Chem. 2018 Oct 31;82:405-13.
Note: Dopage ou pas dopage, la question commence à se poser au sujet de ces ecdystéroïdes modifiés en laboratoire… Molécules manipulées à partir de la molécule originale et présente dans certains végétaux, il me parait difficile de parler encore d’ergogènes naturels.
C’est un peu le même sujet qui s’était posé avant l’interdiction des prohormones vers la fin des années 1990 où les fabricants prétextaient que les prohormones étaient naturellement synthétisées dans l’organisme (ce qui était vrai pour la plupart des variantes de l’androsténédione et de l’androsténédiol). Mais entre ce qui est naturellement présent dans la nature ou ce qui est ajouté en quantité tellement importante qu’on ne la retrouve jamais dans un organisme sain, c’est précisément entre ces termes que la définition du dopage peut varier. Disons que si une molécule naturellement présente dans la nature est manipulée, il n’est plus possible de parler d’ergogènes naturels (comme le sont la créatine ou l’acide ursolique) mais bien d’une volonté d’obtenir un effet dopant. De toute évidence, ajoutons qu’une large majorité de substances pharmaceutiques sont elles aussi dérivées de molécules naturelles. Pour ma part, je relaie l’information, ensuite, chacun en pensera ce qui lui convient.
Eric Mallet
Références bibliographiques
Petit rappel – simplifié – en image sur la voie Pi3K/AKT/mTOR