11 - 11
2014
On assiste à un nouveau phénomène depuis quelques années, du moins aux États Unis. Il s’agit de la potentialisation de la mémoire et des performances intellectuelles. Loin d’être un mythe, comme semble le penser une majorité écrasante des français (disons qu’ils sont très mal informés), le marché des compléments alimentaires nootropes ou nootropiques tente de plus en plus à s’imposer aux USA, à côté des multivitamines en tous genres et autres suppléments nutritionnels dédiés à la performance physique. Secteur négligé depuis longtemps par le marché, le domaine des performances intellectuelles répond lui aussi à un besoin des consommateurs (entretien de la mémoire, études universitaires, examens…) alors que la simple choline, les acides gras essentiels et les vitamines B restent toujours les plus utilisés. Précisons cependant que les nootropes dont nous allons discuter sont pour certains, considérés comme des médicaments en Europe. Aux USA, ils se retrouvent souvent en vente libre. Le contexte est donc totalement différent d’un continent à l’autre.
Le marché américain des nootropes est déjà en pleine explosion !
S’il y a de cela 10 ans, il était difficile de trouver un bon complément pour entretenir la mémoire, aujourd’hui, les substances nootropes vont beaucoup plus loin que le simple fait d’entretenir la mémoire en vous proposant une aide scientifiquement établie pour optimiser vos capacités intellectuelles (dans ma salle de musculation, certains en auraient bien besoin, même s’il s’agit plutôt de cas désespérés !). En réalité, l’explosion du marché des nootropiques (du moins aux USA) dérive de manière très indirecte de la recherche scientifique menée sur les maladies neurodégénératives comme celle d’Alzeihmer par exemple. Ceci permet désormais aux habitants d’Amérique du Nord d’avoir accès à un certain nombre de molécules et autres substances nootropes à leur disposition, de manière récréative ou à but de faciliter les capacités cognitives. Encore une fois, c’est bien le marché qui crée le besoin (du moins en partie) et non l’inverse.
Définition des nootropes…
Tout d’abord, il faut savoir définir les limites de notre définition. En France, et généralement en Europe, certaines substances cholergènes (c’est à dire dérivées de la choline) sont considérés comme des médicaments et non pas comme des compléments alimentaires. Aux USA ou au Canada, la législation est différente; la plupart des nootropes les plus communs (piracétam et dérivés) seraient en vente libre. Au Canada par exemple, un nootropique se définit comme ceci: « Les médicaments nootropes, aussi appelés médicaments de l’intelligence (« smartdrugs« ), sont des médicaments qui améliorent ou sont censés améliorer la cognition. » (source www.psychomedia.qc.ca) Au Canada, on parle de médicaments de manière très générale, sans différencier les substances. D’autres articles canadiens se focalisent notamment sur certaines substances médicamenteuses, tels que le Ritalin par exemple. Cependant, il ne s’agit pas de l’objet de cet article, nous traitons de compléments alimentaires et de ce qui leur est associé, cherchons encore…
La 8ème édition du dictionnaire médical Mosby vous dira qu’un nootrope est une substance élaborée pour augmenter le métabolisme du système nerveux central. De ces deux définitions, on peut donc retenir cet élément majeur, il s’agit d’une molécule destinée à augmenter le métabolisme du cerveau afin d’améliorer la cognition. Cependant, aucune autre précision n’y est apportée. Définir les nootropes de manière exacte sur le plan scientifique s’avère être assez difficile. Reprenant l’essai de définition d’une encyclopédie bien connue sur Internet, nous restons encore dans le flou et l’imprécision: « Les nootropiques (…) ou nootropes sont des drogues, des médicaments, plantes et substances diverses possédant une action de modulation de la physiologie et de la psychologie impliquant une augmentation cognitive et qui ne présentent pas ou relativement peu d’effets nocifs sur la santé à dose standard (…) ». En effet, parler d’amélioration cognitive n’a pas beaucoup de sens et se révèle surtout comme trop imprécis, sans discriminer clairement les effets ou les modes d’actions des nootropiques.
Les nootropes ne sont pas des stimulants, contrairement à ce que l’on pourrait croire
En l’occurrence, un blog spécialisé – www.smarternootropics – nous donne une définition déjà plus intéressante des nootropes : « Un nootrope est une substance qui optimise la fonction cognitive. Un nootrope peut agir en améliorant la mémoire, la concentration, la motivation, l’humeur, ainsi que ce qui est en rapport avec la cognition. (…) Les nootropes travaillent en soutenant ou en altérant les substances neurochimiques du cerveau. Certains d’entre eux altèrent les neurotransmetteurs, d’autres stimulent la neurogenèse mais l’idée générale est que les nootropes induisent des changements positifs au niveau du cerveau (…). » Ajoutons qu’il ne faut pas confondre stimulants (sur le modèle des méthylxantines comme la caféine) et nootropes, même si certains stimulants partagent parfois des effets communs avec les nootropes. Sur le plan historique, le docteur Giurega, un scientifique roumain, fut le premier à réussir la synthèse du piracétam en 1964. C’est en 1972 qu’il inventa le terme de nootrope même si, comme vous le savez, la science millénaire ayurvédique fait déjà état d’un certain nombre de végétaux présentant un potentiel nootrope avéré par cette tradition médicale indienne.
Les critères du Dr Giurega pour définir les nootropes sont les suivants:
- La substance peut améliorer la mémoire et la capacité d’apprendre.
- La substance peut aider le fonctionnement du cerveau dans des conditions perturbatrices telles que l’hypoxie (manque d’oxygène) et les électrochocs.
- La substance peut protéger le cerveau contre les agressions chimiques et physiques telles que les médicaments et les barbituriques anti-cholinergiques.
- La substance peut augmenter l’efficacité des mécanismes de contrôle de la décharge neuronale dans des régions corticales et sous–corticales du cerveau.
- La substance ne doit pas posséder d’effet sédatif généralisé ni d’effet stimulant. Elle ne doit pas présenter d’effets secondaires et être pratiquement non toxique.
Un second ensemble de critères, élaborés par le Dr Skondia, contribue à définir plus précisément ce que sont les nootropes et les effets auxquels ils doivent répondre:
- La substance ne possède pas de vasoactivité directe (vasodilatation ou vasoconstriction).
- La substance ne devrait pas changer le rythme EEG de base.
- La substance doit pouvoir traverser la barrière hémato-encéphalique.
- La substance doit faire état d’une activité métabolique dans le cerveau humain.
- La substance doit présenter peu ou pas d’effets secondaires.
- La substance doit faire l’objet d’essais cliniques qui révèlent une amélioration métabolique cérébrale.
Comme l’affirme le rédacteur de smarternootropics.com, la différence entre la définition de Cornelia Giuregia et celle de Skondia nous laisse penser que selon Giuregia, un nootrope devrait potentialiser les capacités d’apprentissage et la mémoire alors que pour le Dr Skondia, un nootrope est une substance qui optimise le métabolisme du cerveau, notamment par le biais d’une meilleure utilisation du glucose et de l’oxygène. Un racetam (piracétam, aniracétam, oxyracetam…) sera donc, selon les deux médecins, à considérer comme un nootrope, alors que la plupart des stimulants du système nerveux ne le sont pas. Strictement parlant, tous les nootropes sont des stimulants cognitifs (c’est le cas de la caféine sur le court terme) alors que tous les stimulants ne sont pas forcément des nootropiques. A partir de là, nous sommes déjà en présence d’une définition un peu plus concrète mais quelles substances peuvent-elles être considérées comme telles ?
Disons que d’une manière générale, la famille des racétams fait actuellement partie des nootropes les plus connus et les plus nombreux, avec peut-être, le Bacopa monieri, un végétal connu par la tradition de l’Ayurveda pour « potentialiser » les capacités créatives des consommateurs. Cependant, le mécanisme biochimique par lequel le Bacopa monieri agirait devrait encore faire l’objet d’études scientifiques. Le Gingko biloba fait également partie des végétaux à qui l’on prête une activité nootrope du fait qu’il aurait tendance à faciliter la circulation du sang dans les petits vaisseaux sanguins‡.
La famille des racétams et le Piracétam
Sur le plan scientifique, les racétams rassemblent une famille de substance possédant un noyau dit « pyrrolidone » (schéma ici à droite). Il s’agit donc de composants organiques composés eux-mêmes d’un lactame à 5 chaînons, caractéristiques d’une fonction amide inséré dans un cycle carboné. Ils sont à la base de nombreuses molécules, dont celles de la famille des racétams. Cette base organique a donc permis au docteur Giuregia de découvrir le Piracétam, premier nootrope, même si tous les racétams ne le sont pas. Si nous ne savons pas encore totalement comment se comportent les racétams sur le plan biochimique, du moins à connaitre son mécanisme d’action, nous savons qu’ils agissent par modulation des neurotransmetteurs centraux, dont l’acétylcholine et le glutamate. Généralement, ils augmentent la fréquence d’activation des récepteurs cellulaires du glutamate, agissant sur la capacité de la mémoire du sujet.
Le Piracétam, le premier nootrope
Premier nootropique de ce type découvert par la recherche, le Piracétam a longtemps été utilisé par la médecine dans le cadre des pathologies du système nerveux central même s’il n’est pas enregistré comme tel en Amérique du Nord. Son utilisation à des fins nootropes est majoritaire. Son mécanisme d’action n’est pas encore totalement élucidé. Il s’agit d’un dérivé cyclique du GABA faisant preuve d’une influence sur les capacités cognitives des utilisateurs. Il n’a pas d’effet sédatif ni stimulant. D’autre part, on pense que le Piracétam pourrait être considéré comme un vasodilatateur même s’il s’agit plutôt d’un effet supplémentaire de cette molécule, sans rapport direct avec son potentiel nootrope.
Les chercheurs s’accordent à dire que le Piracétam agirait sur les récepteurs AMPA, NMDA et de l’acétylcholine, des récepteurs très importants pour les processus d’apprentissage et de rétention de l’information. D’une manière générale, la neurotransmission semble améliorée par la prise de Piracétam.
Sur le plan médical, le Piracétam est généralement administré en tant qu’agent neuroprotecteur, avant ou après un AVC. Les médecins pensent que le Piracétam pourrait réduire les risques de chocs ischémiques et minimiser les dommages cérébraux post-traumatiques. Il s’agit également d’un agent anti-coagulant et anti-thrombotique souvent utilisé pour d’autres thérapies. Des études scientifiques ont également été réalisées en relation aux désordres neuronaux et aux maladies neurodégénératives sans résultats probants pour l’instant.
La plupart de ces études ont montré des résultats positifs, sans toutefois être validés sur le plan médical. C’est notamment le cas pour la maladie d’Alzheimer et la démence. Pour ces raisons, le Piracétam est utilisé « hors désignation », sans être réellement considéré comme un médicament et donc, comme substance classée, ni réellement comme complément alimentaire. Ce n’est que récemment que la FDA (l’agence de sureté alimentaire américaine) a averti les fabricants américains en affirmant que cette substance n’entrait pas de facto dans la catégorie des compléments alimentaires et que le Piracétam ne pouvait donc pas être considéré comme tel. En Europe et en France, le Piracétam est considéré comme une substance pharmaceutique.
Quels effets attendre du piracétam ?
Sur le plan des effets, le Piracétam est réputé pour améliorer la mémoire, les capacités d’apprentissage, la concentration sur une tache (exercice…), réduire les symptômes dépressifs ou anxieux, améliorer la vasodilatation, améliorer la perception sensorielle, réduire les traumatismes relatifs au système nerveux central. Dans tous les cas, vous devrez consulter votre médecin si vous voulez vous faire prescrire du piracétam ou une molécule de la même famille.
Voilà ce qu’il en est pour une information générale sur les nootropiques, du moins pour le modèle des racétams et l’archétype du Piracétam. Évidemment, il existe une foule de racétams et donc, de nootropes mais je n’ai pas la place pour tous les citer, un ouvrage complet serait nécessaires. C’est aussi pour cela que des blogs entiers sont publiés sur le sujet, notamment smarternootropics.com que je vous recommande si le sujet vous intéresse. Malheureusement, les informations en français sont déjà plus rares. Je vous rappelle également qu’Espace Corps Esprit Forme est un blog d’information scientifique et qu’il ne recommande en aucun cas la prise de telle ou telle substance, quelle qu’elle soit.
Merci pour votre intérêt et d’ici le prochain article… (n’oubliez pas de développer votre culture physique !)
Eric Mallet
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‡ Kaschel R (2009). « Ginkgo biloba: specificity of neuropsychological improvement—a selective review in search of differential effects« . Hum Psychopharmacol 24 (5): 345–70. doi:10.1002/hup.1037. PMID 19551805.
3 Commentaires
Bonjour,
Quels sont les effets secondaires du pyracetam ? Sont ils tous connus ?
Qu’en est-il des interactions médicamenteuses, par exemple avec du magnésium ou d’autres cocktails de vitamines ?
Merci
Bonjour,
Le piracétam est considéré comme un médicament en France et en Europe. Il faudrait que vous consultiez les sites et forum américains pour y trouver plus d’informations. A priori, la choline et le piracétam font une meilleure association selon ce qu’ils en disent. Des interactions avec des vitamines sont fort peu probables mais renseignez-vous à partir d’une recherche Google. Vous obtiendrez certainement des informations valables. Désolé mais je ne peux pas vous en dire plus.
Cordialement,
Eric Mallet
[…] nootropiques ou aussi « Stimulant intellectuel « , auraient pour fonction d’augmenter la […]