28 - 11
2010
Ma formation universitaire me donne souvent l’occasion d’étudier la question des mythes qui parcourent la littérature ou influencent notablement nos sociétés après s’être répandu. Le bodybuilding et le monde très petit de la musculation en salle n’échappe pas à ce principe. Un mythe, ça vient du grec Muthos, la parole. Il s’agit en effet d’histoires (souvent agrémentés de récits ou d’événements surnaturels) transmis par la parole et qui façonne la culture d’un peuple ou d’une civilisation. Portés par une tradition orale, les mythes recèlent souvent des explications intéressantes sur les aspects les plus fondamentaux d’un monde et de la société ou communauté qui l’a porté (cf. Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire). Freud et Jung les avaient étudiés de manière plus ou moins directe, sous le thème de la représentation et du rapport au symbole, un des piliers de la psychanalyse.
Contemporain des psychanalystes, Joseph Campbell est un professeur de mythologie comparée américain qui donnera du sens à la théorie du mythe, postulant que chacun d’entre-eux est issu d’un mythe unique, ne racontant finalement toujours que la même histoire, mais sous des aspects différents. C’est d’ailleurs un peu ce que nous voyons ici, dans le domaine de l’alimentation sportive…
Les mythes existent aussi en culture physique !
D’un point de vue sociologique, anthropologique ou culturel, le mythe se transmet d’abord par la parole, véhicule garant de la pérennité du mythe et donc, de la parole et de la culture elle-même. A notre époque rien n’a changé, sauf les sciences et techniques, mais les mythes continuent de se propager et influencent un nombre croissant de personnes, un peu comme un virus faisant son chemin d’un individu à un autre. Contrairement au virus, les mythes s’installent dans l’inconscient collectif et individuel par l’intermédiaire de la désinformation et de l’ignorance générale d’un certain groupe de population. A l’opposé, la recherche scientifique essaie d’instaurer un début de vérité sur les sujets qu’elle prend pour objet d’étude tout en essayant de réduire les biais qui pourraient fausser les résultats. Les mythes les plus coriaces du bodybuilding concernent les protéines et la créatine.
Pour les protéines, Will Brink (une référence bien connue du bodybuilding américain) avait déjà publié sur son site en avril 2006, un article intitulé Protein Myths that will not die et dont la première version date de 1995, paru sur MuscleMedia. 7 ans plus tard, une quantité importante de données en rapport aux effets des protéines sur la santé finira par appuyer l’argumentation de Brink qui soutient que ce macronutriment n’a rien de potentiellement mauvais pour la santé. Non, votre protéine en poudre ne risque pas de vous être néfaste, bien d’autres comportements alimentaires le feront de manière bien plus certaine.
Protéine et créatine qui dégradent les reins, les fables s’accumulent contre les preuves cliniques démontrées
Encore actuellement, les nutritionnistes vous diront que de consommer une quantité importante de protéine ou de créatine monohydrate serait mauvaise pour les reins. Pourtant, leur argumentation ne repose sur aucune étude scientifique pour le prouver. Quand on connaît la compétence limitée des nutritionnistes (et question absurdités diététiques, j’en ai entendu des vertes et des pas très mûres), mieux vaut éviter de subir leurs clichés sur la nutrition sportive. C’est d’autant plus vrai qu’ils ne bénéficient quasiment jamais d’une formation médicale de base qui pourrait les rendre crédible un minimum. La science prouve pourtant chaque jour que ce qui paraît peut-être évident pour certains ne l’est pas en réalité puisque les faits prouvent le contraire.
C’est d’autant plus vrai que les mythes se propagent facilement à partir du moment ou quelqu’un argumente et affirme quelque chose. A priori, la suspicion n’est pas de mise, surtout si l’argumentation semble reposer sur quelque chose de rationnel. Dans cette optique, personne ne doute a priori de la véracité des arguments avancés puisque personne n’est naturellement porté à penser qu’on lui ment (volontairement ou par omission). Les mythes se propagent avec ce principe, personne ne soupçonne le mensonge ou l’erreur malgré qu’une étape soit souvent oubliée, celle de l’épreuve des faits, ou pire, déformée (volontairement biaisés ou non).
Mythe 1: Les protéines sont mauvaises pour les reins
Les études qui ont été faites sur ce sujet ont mis en lumière que certains individus présentaient des mal-fonctions rénales, un régime hyperprotéiné a été révélateur du problèmes pour ces individus. Donc, si les protéines se révélaient vraiment néfastes pour les reins, une grande majorité des personnes ayant participé à ces études seraient tombés malades, ce qui n’a pas été le cas. Un régime hyperprotéiné suivi par des adultes en bonne santé n’a jamais révélé de troubles rénaux. Aucune des études menées avec des athlètes n’a montré de dysfonction rénale à la suite de ce type de régime.
Une étude américaine intitulée « Do Regular High Protein Diets Have Potential Health Risks on Kidney Function in Athletes? (International Journal of Sport Nutrition, 10 {1}) » a examiné le fonctionnement des reins de bodybuilders et d’autres athlètes entraînés à la suite d’un régime moyennement et hyperprotéiné. Des prélèvements sanguins et d’urine ont mis en évidence des taux de créatinine, d’urée et d’albumine dans la moyenne normale des taux généralement considérés comme tels. Les auteurs de l’étude en ont conclu: « Il n’existe pas de corrélations entre le taux de protéine ingéré et les taux d’excrétion de créatine, d’albumine ou de calcium constatés. » D’autres études, pratiqués sur des animaux ont donné des résultats comparables.
Une autre étude a été faite sur l’influence d’un régime hyperprotéiné sur des chiens en fin de vie (Effects of aging and dietary protein intake on uninephrectomized geriatric dogs) a démontré qu’un régime riche en protéine n’avait aucune influence sur les reins de ces animaux mais que ceux à qui on avait fourni plus de protéine vivait même plus longtemps !
En outre, hors des laboratoires mais dans notre monde quotidien, des millions d’athlètes ont suivi des régimes hyperprotéinés depuis des dizaines d’années sans qu’un seul cas de rupture rénale chez un athlète sain ne soit constaté.
Si c’était le cas, nous aurions dû effectivement assister à de très nombreux cas d’anomalies rénales, mais ça n’a jamais été le cas. Certains bodybuilders consomment parfois jusqu’à 600 grammes de protéine par jour sans souffrir d’une quelconque pathologie rénale. Une quantité de protéine supérieure à 3 grammes par kilo de poids de corps n’a absolument aucune influence sur le fonctionnement des reins d’un athlète ou d’une personne sédentaire en bonne santé. C’est ce que des études scientifiques sérieuses ont mis en valeur. Posez-vous les bonnes questions et reposez vos interrogations sur ce que nous dit la science, pas sur des mythes sans fondements. Si les protéines que vous mangez vous rendent malade (et que vous sachiez les quantifier), c’est que la cause est certainement plus complexe que vous le croyez.
Mythe 2: Les athlètes n’ont pas besoin d’un supplément en protéine
Comme il est toujours possible de l’entendre, certains médecins, nutritionnistes et autres beaux parleurs sans culture médicale vous diront souvent qu’un régime riche en glucides, pauvre en graisses et en protéine vous fera plus de bien qu’un consommation augmentée de protéine et d’acides gras essentiels. C’est sans doute faire peu de cas du nombre incalculable de diabétiques ou de personnes en mauvaise santé et victime d’une alimentation hypercalorique chronique que compte notre globe. C’est pourtant simple à expliquer mais le fait de manger sainement, en fonction de vos besoins métaboliques est souvent plus difficile à admettre pour certains. Rappelons également le nombre difficilement quantifiable de pré-diabétiques qui s’ignorent (pour l’instant). Les sports de force à haute intensité nécessite un apport alimentaire plus élevé que chez les sédentaires. En effet, il s’agit de compenser les exercices intenses de la musculation par adaptation des fibres musculaires. Celles-ci devront alors prendre de la masse et de la force. Pour ce faire, elles auront besoin de protéines, d’acides aminés mais aussi de glucides pour l’énergie et la récupération post-entraînement. La plupart des études cliniques sur les besoins en protéines des athlètes donnent des résultats moyens autour des 1,6 g de protéine par kilo de poids de corps, loin des 0,9 à 1 gramme généralement recommandé par les institutions et autres organismes d’état.
Les protéines et les acides aminés sont présents dans toutes les cellules de votre organisme
Chaque cellule de notre corps est faite d’acides aminés et d’acides gras essentiels, chacune d’entre elles en a besoin pour fonctionner normalement. Un régime pauvre en protéine conduit invariablement à une perte d’azote, une faiblesse musculaire générale, un catabolisme augmenté et une sécrétion de cortisol elle aussi en hausse. Un manque chronique de protéine fragiliserait notre organisme en réduisant la masse musculaire, en corrélation avec une baisse probable de la longévité, ces deux facteurs étant liés.
En réalité, la biologie est beaucoup plus complexe que ceci puisqu’une alimentation hypocalorique des personnes âgées déclenche de nombreuses modifications métaboliques menant à la libération de cytokines (messagers cellulaires). Ces cytokines conduisent alors à une augmentation de la longévité. Cependant, la malnutrition et le manque chronique de protéines et d’acides aminés entraînent une faiblesse de l’organisme, voire un handicap musculaire réduisant les déplacements pour aboutir à une vie plus longue mais peu enviable avec un corps fragilisé. Ce genre de fin de vie ne ressemble certainement pas à une vie longue et en bonne santé.
Les graisses et le cholestérol entrent en compte dans la santé de l’organisme et de la masse musculaire
De même pour les acides gras. Ils forment les membranes cellulaires et sont indispensables à la synthèse des hormones anabolisantes (celles qui entretiennent notre corps et notre moral comme la testostérone et l’hormone de croissance). Les acides gras interviennent également dans un nombre considérable de métabolismes. Ces seules raisons devraient vous décider à favoriser les apports nutritionnels en acides gras essentiels, notamment avec des huiles végétales de très bonne qualité.
Depuis plus de 50 ans, la majorité des sédentaires ou des handicapés du sport, bien pensants, obèses et impotents pensent avec certitude que les athlètes des sports de force, d’endurance et autres n’ont pas besoin de plus de protéine qu’eux, comme si leur misérable existence pouvait se calquer sur ceux qui ont autre chose à faire de leur vie que de la perdre. En réalité, il ne s’agit pas de savoir si vous avez besoin d’un supplément de protéine ou pas mais de savoir si vos apports nutritionnels sont suffisants ou pas. Pour vous donner une assurance simple et efficace, assurez-vous que chacun de vos repas contienne au moins 30 à 50 grammes de protéines, selon vos besoins. A l’opposé d’une protéinophobie insensée, des apports nutritionnels supérieurs à une moyenne de 2,5 grammes de protéine par kilo de poids de corps ne présenterait pas d’intérêt significatif. Avec un peu de bon sens, il suffit de se dire que l’équilibre entre les trois macronutriments doit être respecté, et calculé en fonction vos besoins nutritionnels.
Des études cliniques qui cassent les mythes sur la musculation et les sports de force
Des études scientifiques sérieuses réalisées aux USA montrent qu’une activité physique augmente les besoins en protéine. Ils ont même proposé une moyenne de 1,2 à 1,4 gramme de protéine pour les pratiquants des sports d’endurance et de 1,8 gramme pour les athlètes de la force. Ils ont aussi démontré que des sportifs engagés dans des sports de force et consommant les doses minimums préconisées par le gouvernement américain (environ 0,8 gramme/kg de poids de corps) faisaient état d’une chute importante de la synthèse de nouvelles protéines. Ce type d’alimentation conduisait donc directement à la perte de masse musculaire.
Il existe encore d’autres mythes tenaces, notamment celui qui soutient qu’un régime riche en protéine conduit à l’ostéoporose. Pourtant, ce genre de commérages maintes fois répétés a quand même le mérite de mettre le doigt sur des faits qui pourraient s’avérer probables même si la recherche prouve le contraire. En 25 ans d’entraînement, j’ai entendu bien pire. Aujourd’hui, la plupart des estimations sérieuses sur les besoins en protéine des athlètes de force s’échelonne entre 1,8 et 2,2 grammes par kilo de poids de corps. A l’opposé, une consommation très élevée en protéines n’apportent pas forcément d’avantages particuliers. Mais même ce point est à discuter, nuancer et prouver.
Quand les mythes sur la nutrition sportive font bon ménage avec le ridicule
Certains m’ont dit que de prendre une douche après ma séance pouvait en annuler les effets sur la masse musculaire ??? je n’ai toujours pas compris comment ? Ou que de boire un litre d’eau pouvait réveiller l’organisme grâce aux minéraux qu’elle contient et d’autres encore plus risibles. La plus stupide des affirmations sur le sujet est très récente et mérite sa place au sommet de l’imbécilité humaine: il paraît que d’avaler des acides aminés sans les croquer pouvait en annuler l’assimilation !! (sic). Personnellement, je ne savais pas que le système digestif humain était aussi médiocre. En réalité, ces affirmations confirment surtout le fait qu’un fait avéré et tenu pour certain peut être déformé jusqu’à l’absurde. Naturellement, les minéraux contribuent à la santé et à l’hydratation de l’organisme mais ils n’agissent pas comme la caféine pour autant !
Il est d’ailleurs fort probable que nombre d’entre vous ont dû en entendre d’autres, certains mythes sur la créatine ou d’autres substances. N’hésitez pas à prendre un instant pour vous abonner à la newsletter afin d’être informé en priorité de la mise en ligne des nouveaux articles. Quoi qu’il en soit, je vous dis à bientôt sur Espace Corps Esprit Forme pour vous donner d’autres occasions de développer votre culture physique !
Eric Mallet