03 - 08
2021

Le fitness, une activité physique en croissance constante… (Image Victor Freitas)
En juin dernier, je dépassais les 30 ans d’entraînement de musculation. J’avais dès lors un peu de recul sur cette période pour réfléchir un peu sur l’évolution de ma pratique sportive et du marché de la nutrition sportive. Je me suis dis que finalement, le « fitness », la musculation, le bodybuilding, le culturisme ou d’autres pratiques sportives de résistance avaient beaucoup évolués. Cette évolution permettait désormais à un grand nombre de jeunes de découvrir et de pratiquer un sport pour lequel j’ai acquis une solide expérience même si je continue à découvrir de nouvelles choses après chaque entraînement…
Pourtant, je me suis rapidement rendu à l’évidence que je me trompais en grande partie. Il y a 30 ans de cela, je faisais partie des exceptions en tant que jeune freluquet qui poursuivait avec ténacité un objectif athlétique. Les jeunes et les moins jeunes d’aujourd’hui ont sans doute beaucoup plus d’opportunités à faire du sport mais le nombre de sportifs qui ont un niveau nul en musculation – ou de motivation pour ce sport – est toujours aussi élevé.
Le Fitness est une industrie de masse mais sans lien étroit avec l’esprit du sport et de la performance sportive

Naturabolic de YAM Nutrition, le premier complément à base d’acide ursolique sur le marché français…
Finalement, les choses n’ont pas beaucoup changé. Les athlètes authentiques et déterminés restent toujours aussi peu nombreux. Disons qu’en moyenne, un ou deux pratiquant(s) sur 10 continuera à faire de la musculation de manière sérieuse dans 3 à 5 ans, ce qui n’a pas beaucoup changé en 30 ans. Les compétiteurs ou les amateurs passionnés restent toujours aussi peu nombreux. Pourtant, ce qui a bien changé, c’est le marché de masse du fitness et des sports de force. Le nombre de salles de musculation permettant aux jeunes de faire un mouvement entre deux applications téléphoniques a littéralement explosé; un peu à l’image du marché de la nutrition sportive. Là aussi, il n’y a pas eu vraiment d’innovations fantastiques depuis la commercialisation de la créatine.
Par contre, je suis très satisfait d’avoir enfin permis qu’une marque français de nutrition sportive puisse enfin proposer un complément alimentaire à base d’acide ursolique sur le marché. A part ce progrès évident, le marché du complément alimentaire continue de bouger fortement ces derniers temps. Cette évolution se caractérise d’ailleurs par la volonté des grandes marques de l’agro-alimentaire à mettre la main sur le marché de niche de la nutrition sportive pour la rendre disponible à tout un chacun. Est-ce un progrès pour les consommateurs du fitness ou tout simplement une adaptation des grands groupes à l’explosion du nombre des pratiquants en dilettante de la musculation ? Je pense que la question est vite répondue…
Les grands groupes de l’agro-alimentaire et les marques de compléments alimentaires s’adaptent à l’évolution du fitness
Depuis quelques temps, l’agro-alimentaire essaie de tirer la couverture à lui en s’associant plus étroitement au monde assez fermé de la nutrition sportive. Du moins, c’est une tendance lourde qui se dessine de plus en plus. C’est tout à fait logique puisque le monde de la santé et de la nutrition sont étroitement liés, dans un sens comme dans l’autre. En témoigne par exemple l’intérêt de Mondelez International* (Granola, biscuits Lu, Oreo…) pour la marque Grenade. Depuis peu, Mondelez International est devenu majoritaire dans cette marque plus connue par les bodybuilders et amateurs de fitness que par papi et mamie. Comme vous le savez, Grenade est un leader britannique dans le domaine des barres protéinées sous le nom de Carb Killa.
Un acteur majeur de l’agro-alimentaire comme Danone, réclame sa part du gâteau de la nutrition sportive

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire du sport Image Pixabay
Autre grand nom de l’alimentaire sur le plan mondial, Danone vient de lancer une marque de produits laitiers « hyperprotéinés » avec HiPro. Selon les données du magazine Actif’s, les bouteilles proposées par Danone présentent une teneur moyenne de 15g de protéines pour 160g de produit laitier. Autrement dit, il vous suffit d’une simple règle de trois pour constater que nous ne sommes pas vraiment dans le domaine des produits hyperprotéinés avec 9,4g de protéine pour 100g. Du moins, pourrions-nous simplement parler de produits plus ou moins riches en protéine mais guerre plus, si nous restons dans le cadre de la nutrition sportive.
Précisons tout simplement que Danone cherche surtout à s’imposer sur le marché de masse de l’agro-alimentaire en proposant des produits laitiers protéinés aux sportifs lambdas. Nous sommes là dans le prétexte « sport-santé » mais il n’y a vraiment rien de très sérieux sur le plan nutritionnel, ni de réelles valeurs ajoutées. Amazon emboite le pas avec sa marque Premium Body Nutrition, essentiellement basée sur des protéines de lactosérum. Là aussi, il s’agit plutôt d’un cliché d’opportunistes que de compléments alimentaires un minimum innovants. Nous sommes donc bien dans l’esprit fitness accessible au tout venant mais il m’est très difficile d’y voir un rapport sérieux avec la nutrition sportive telle qu’on la conçoit réellement.
Disons que l’objectif des grands groupes de l’industrie alimentaire ressemble à une tentative de s’accaparer un nouveau marché, celui d’un style de vie fitness, entendons par là une vie active, plus ou moins saine et plus ou moins sportive. C’est un peu le grand retour du sport-santé dont certains ne cessent de nous rabattre les oreilles depuis 15 ans, refusant de voir l’évolution où elle se trouve, contrairement à d’autres pays plus près de l’innovation alimentaire, tels que les USA ou les pays du Nord par exemple. Globalement, l’Europe reste assez coincée dans l’esprit « activité physique tout juste modérée et qui se donne bonne conscience ». Pour ma part, je pense que la nutrition sportive, celle des pratiquants passionnés par la musculation, restera toujours un marché de niche. Mes visites dans les salons européens comme le Vitafoods ou le Food Ingredients le confirme; les sports de force restent un monde à part et l’on ne va pas s’en plaindre a priori. Cela explique aussi l’existence d’un autre salon comme le Body Fitness qui répond à un marché spécifique, même si l’intérêt de ce salon reste à mon sens assez limité.
Le secteur des salles de sports fitness se porte plutôt bien…
Quant aux salles de fitness elles-mêmes, elles se portent plutôt pas mal. Sur le plan européen, on estime que 65 millions de personnes fréquenteraient près de 64000 salles de sport. Selon les chiffres du magazine Actifs, la progression du nombre de salles de sports serait de 23% sur 2 ans**, un chiffre réellement exceptionnel. Disons que l’objectif serait de répondre à un besoin d’activité physique, même assez réduit et peu consistant, plutôt que d’inciter réellement les clients à adopter une activité sportive régulière et favorable à la santé. On parle alors encore et toujours de remise en forme, de détente, d’échanges sociaux ou de prévention santé, avec le prétexte du sport. C’est malheureusement ce que j’ai pu constater très souvent.
Dans ces chaines de fitness Low cost, l’absence d’entraîneurs (ou de coach si vous préférez) est généralement la règle. Le personnel fait plutôt office de concierge, sans le moindre diplôme sportif ni condition physique plus ou moins acceptable. Cela étant, les salles de fitness accueillent désormais un public de plus en plus divers et hétéroclite: personnes âgées, sédentaires qui découvrent le sport, diabétiques, obèses… Les femmes se font aussi plus nombreuses, une femme sur deux pratiquerait désormais une activité physique en salle. Bonne surprise s’il en fallait une, la qualité des machines et appareils de musculation n’est pas forcément critiquable, j’ai même été assez étonné dans certains cas.
Le sport-santé représente un marché de masse imposant avec le sport comme principale excuse
Conséquence prévue de cette évolution vers une augmentation de la masse des consommateurs, les entreprises doivent désormais savoir se différencier. Cette différence passe nécessairement par les prix d’abonnement proposés aux adhérents. Par exemple, le leader européen Basic Fit qui table sur le Low cost atteint 515 M€ en termes de chiffre d’affaires en 2019 (pour un capital de 1,9 milliard d’euros) alors qu’à l’opposé, le David Lloyd Leisure représente un CA de 590 M€ pour des prestations haut de gamme. Naturellement, ce simple clivage est insuffisant pour attirer de nouveaux clients étant donné l’importance des prestations proposées aux consommateurs quant à savoir s’ils vont s’inscrire ou pas. Comme le souligne l’article du magazine Actifs n°75 « Nutrition sportive: le new age » sur lequel je m’appuie en grande partie, il s’agit d’offrir des services variés afin de garder et d’augmenter la clientèle de ces entreprises de fitness. Certaines d’entre-elles, généralement plus haut de gamme, proposeront parfois de la méditation, du yoga ou de la relaxation. Les Low cost offriront un service de boissons en libre service mais assez peu d’autres choses à vrai dire. D’autres se distinguent en revenant éternellement sur le même esprit « sport-santé » qui continue à faire des adeptes. Dans ce rapport du sport à la santé, j’y vois plutôt une hypocrisie particulièrement malsaine parce qu’à part véhiculer des clichés, la prévention santé en France par le sport est quasiment inexistante. Quant à la nutrition sportive, nous venons d’en parler. Les salles ou les grandes enseignes se rapprochent d’un certain lifestyle, loin du marché des amateurs passionnés et encore moins de la compétition des sports de force.
Des compléments alimentaires Lifestyle avec l’arrivée du CBD, des nootropes ou des produits « bien-être »…

Les femmes sont souvent plus à l’écoute de leur corps et du bien-être que les hommes… Image Andréa Piacquadio
On en arrive bien sûr au compléments bien-être et santé, un peu à l’exemple du CBD qui commence à faire son apparition sur le marché français. Le magazine Actif’s nous donne l’exemple d’une startup britannique Pure Sport CBD développant des compléments alimentaires mais aussi des baumes et des huiles labellisées sur la base du CBD. Selon la formulation des produits, des nootropes et des adaptogènes comme le Ginseng, de l’Ashwagandha ou du Gingko biloba sont associés. La tendance Lifestyle commence donc sérieusement à s’implanter, visant le grand public avec toujours le sport comme prétexte plutôt qu’un argument santé réel.
Quant au marché de la nutrition sportive sur le plan global, il s’agit pour le moins d’un secteur dynamique, un des rares marché à encore connaitre une croissance à deux chiffres dans quasiment toutes les zones mondiales. Sur un total de 13,5 milliards d’euros au niveau européen en 2019, la croissance était toujours forte en 2020. Selon Euromonitor, le marché dépassait les 115 milliards de dollars dans le monde. En Europe, l’année dernière l’Italie se plaçait en 1ère position avec 3,44 milliards d’euros alors que l’Allemagne prenait la seconde place (2,4 milliards d’€) et la France en 3ème place avec 1,14 milliards d’€. Suivent ensuite la Pologne, l’Espagne, la Roumanie, la Belgique, l’Irlande et la Suisse.
Les chiffres semblent assez impressionnants, la croissance du marché étant toujours plus prononcée. Toujours est-il que je reviendrai rapidement sur le thème du CBD puisqu’il s’agit d’une tendance forte du marché. Mais d’ici là, prenez le temps de développer votre culture physique, notamment en vous abonnant à la newsletter du blog !
Eric Mallet
* Source Magazine Actifs n° 75 Printemps 2021 (magazine spécialisé dans l’actualité de la nutraceutique)
** Association Europe Active et cabinet Deloitte
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