Salon Body Fitness 2018 – On passe à l’étage…

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Body Fitness Paris avec Lionel Beyeke

Eric Favre avec Lionel Béyéké

Comme je vous le disais dans la première partie de mon article sur ce Body Fitness 2018, ce salon spécialisé des sports de force et fitness m’a fait une très bonne impression, tant sur le plan personnel (avec mes amis) que sur le plan professionnel, à la rencontre des entreprises et marques du complément alimentaire. A ce niveau, et comme dans tous les salons, il y avait du bon et du moins bon. Les grandes marques françaises comme STC Nutrition ou EA Fit sont toujours bien présentes, avec des compléments alimentaires intéressants mais sans révolution toutefois.

Les marques françaises plus modestes comme celle de Christophe Bonnefont avec Anabolic Supplements, aujourd’hui YAM Nutrition, continuent d’attirer un public qui adhère de plus en plus au concept développé par Christophe: des crêpes, de la farine de patates douces et de la caséine hydrolysée !  En effet, cette édition 2018 du Bodyfitness n’avait heureusement plus rien à voir avec le Body Fitness que j’avais rapidement visité en 2016. Le salon occupait cette année un large bâtiment sur deux étages (ainsi qu’un rez-de-chaussée supplémentaire pour les cours). Les compléments alimentaires occupaient le rez-de-chaussée alors que les machines et appareils de musculation occupaient l’étage du Body Fitness 2018, sujet de cet article.

Machines et appareils de musculation étaient beaucoup mieux présentés qu’en 2016

Matériels machines de musculation au Body Fitness 2018La disposition, l’ambiance et le confort de visite du salon Body Fitness n’avaient effectivement plus rien à voir avec l’édition 2016. Allées plus larges et facilité de circulation nettement améliorée, nous pouvions circuler facilement entre les stands sans même se bousculer. A priori, Reed Exhibitions avait fait l’effort d’agrandir le salon et sans doute, de prêter un peu plus d’attention au marché français du « fitgame » que les années précédentes.

Cette fois, ce Body Fitness 2018 est arrivé à égalité avec le FIBO en termes d’aménagement de l’espace. Les grandes marques avaient toute la place voulue pour présenter leurs machines et leurs appareils. On y retrouvait les grands classiques avec Technogym, Panatta, Matrix (relégué dans un coin un peu sombre), les revendeurs généralistes comme Planète Fitness, les machines Precor, Keiser, des organismes de formation (FNFDA…) ainsi que quelques stands spécialisés dans la nutrition avec la marque française Feed qui propose des repas déjà près en bouteille. La qualité et le goût sont exceptionnels. Concernant les marques d’appareils de musculation, disons que de manière un peu ironique, j’ai eu l’impression un peu étrange que finalement, à voir l’organisation des stands, l’on pouvait bénéficier d’un espace et d’un confort de circulation plus agréables qu’au FIBO, du moins lorsque le public n’était pas trop présent.

La marque Laroq, anciennement Multiform avec Frédéric Delavier au Body Fitness 2018

Fréderic Delavier Laroq machines et appareils de musculation

Laroq, la marque d’appareils de musculation de Frédéric Delavier…

J’ai retrouvé Frédéric Delavier avec grand plaisir sur le stand de sa marque, Laroq, autrefois Multiform. LAROQ fait référence au nom du village provençal de La Roque d’Anthéron où les ateliers de fabrication de la marque sont installés depuis 1989. Comme vous le savez, Laroq commercialise des appareils et machines de musculation développés sous l’expertise de Frédéric Delavier.

A vrai dire, nous avions passé une très bonne soirée la veille, soirée au cours de laquelle nous ne pouvions cesser de discuter et d’aborder divers sujets passionnants. Toujours est-il que cette nouvelle journée Body Fitness 2018 était également le jour de la conférence de Benjamin Hennequin, doctorant en sociologie du sport (Université Paris Est), et de Jérôme Cuadrado, doctorant en psychologie clinique et psychanalyste (université de Bordeaux), domaine que je connais d’ailleurs très bien moi-même puisque j’ai également été doctorant en psychologie à l’université de Nice.

La conférence de Benjamin Hennequin et Jérôme Cuadrado au Body Fitness 2018 attira un public très intéressé

Body Fitness 2018 conférence de Benjamin HennequinLa conférence de Benjamin et de Jérôme au Body Fitness 2018 portait sur le « Fitgame », un terme qui m’était totalement étranger puisqu’à mon époque, la « situation sportive » des pratiquants de la force et du bodybuilding ainsi que du fitness se présentait de manière beaucoup plus restreinte (ou plus underground disons…). Chose assez comique pour être signalée, il y a de cela plus de 20 ans, je faisais partie des exceptions et des oiseaux rares.

Aujourd’hui, n’importe quel gamin veut faire de la musculation, souvent n’importe comment, en avalant un peu n’importe quoi, qu’il s’agisse d’entraînement, de nutrition ou de compléments alimentaires. A ce sujet, le développement du « Fitgame » a permis en parallèle de la multiplication des pratiquants, le développement – fort heureux et très approprié – du développement du métier d’entraîneurs (ou de coach si vous préférez…). Finalement, c’est à se demander si les modes ne finissent pas par s’auto-réguler elle-mêmes ce qui, dans un sens, aura toujours du bon en permettant d’éviter les excès et le n’importe quoi (même si c’est en faisant n’importe quoi…).

Quant à devenir n’importe qui, certains l’ont bien compris, et ce n’importe qui est vraiment devenu quelqu’un de très intéressant, même si je ne m’intéresse pas particulièrement à ce qu’il fait. Vous pourrez sans doute critiquer « Tibo in Shape » mais c’est aussi ce genre de personnes qui permet aux jeunes de s’intéresser à la musculation. Je serais donc très mal placé pour critiquer négativement quelqu’un comme Thibault par exemple. Bref… Fermons la parenthèse et revenons à la conférence de Benjamin et de Jérôme sur le « Fitgame ».

Une conférence sur le Fitgame et le business de l’image sur Internet

Benjamin Hennequin conférence Body Fitness 2018

Les conférences attirent un public de plus en plus demandeur d’informations sur le sport et le marché du sport

La question du Fitgame a été traitée en profondeur par Benjamin Hennequin et Jérôme Cuadrado au cours de leur conférence. Revenant sur plusieurs thématiques en relation au Fitgame lui-même, il s’agit sans doute d’un terme assez général pour désigner de manière assez globale le business des sports de la forme et de la force sous l’ensemble de ses aspects: entraînement, culte du corps, compléments alimentaires, podcasts des spécialistes et influenceurs, coachs, entraîneurs, magazines, réseaux sociaux, etc. Conférence très intéressante du Body Fitness 2018 mais peut-être un peu trop courte pour être développée dans tous ses détails, Benjamin Hennequin et Jérôme Cuadrado nous ont présenté une très bonne synthèse, savamment appuyée par un plan et un Powerpoint de très bonne qualité.

Des sujets essentiels comme le bien-être physique et mental, la question de l’image et de ses abus ou l’épanouissement par la musculation ont introduit la conférence avant de nous faire entrer dans les détails. Benjamin et Jérôme insisteront sur la question de l’utilisation et de l’influence de l’image et notamment, sur l’image véhiculée par les influenceurs sur les réseaux sociaux par exemple. Sujet très intéressant et sur lequel je travaille également, la dysmorphie musculaire et la dysmorphophobie corporelle faisaient partie des sujets abordés. Disons que Jérôme et Benjamin vont se focaliser essentiellement sur le côté addictif ou pathologique des sports de force par l’image, abordant les thèmes de l’obsession ou d’une « addiction » aux compléments alimentaires ou aux produits dopants par exemple. L’influence des médias ou les troubles du comportement (alimentaires, pertes des performances sportives, crainte de manquer un entraînement…) sont des sujets qui seront également abordés durant la conférence.

Le Fitgame dépend beaucoup de l’image portée par les icônes du bodybuilding et du fitness

Body Fitness 2018La question des mythes fondateurs comme celui d’Adonis, d’Hercule ou de nos héros plus contemporains comme Arnold, Stallone sera aussi abordée mais je citerais volontiers Lou Ferrigno, Francis Benfatto et Steeve Reeves également. Par contre, la référence à mon avis un peu maladroite aux morphotypes de William Sheldon me paraissait un peu hors sujet dans une conférence qui se veut placée sous le regard de la science. Je me suis étonné de constater que ce mythes des années 1940 pouvait encore être cités sérieusement à notre époque. A l’heure de l’ADN, de l’épigénétique et de la nutrigénomique, le mythe des morphotypes m’est un peu resté en travers de la gorge. Par contre, les recherches de Benjamin et de Jérôme sur des faits de société avérés et scientifiquement étudiés comme par exemple la taille des jouets, l’influence des médias ou de la consultation des réseaux sociaux comme Facebook m’ont particulièrement intéressés.

Pourrait-on finalement décrire la fièvre du muscle comme une nouvelle pathologie ?

La fièvre du muscle devrait-elle être considérée comme la nouvelle pathologie du 21ème siècle ? Selon Benjamin Hennequin et Jérôme Cuadrado, cette nouvelle obsession répondrait à plusieurs critères:

  1. Une diète stricte
  2. Un entraînement sérieux
  3. Croire aux bienfaits d’être plus musclé
  4. L’encouragement à être le plus énorme possible
  5. Stigmatiser les corps jugés comme non musclés et secs
  6. Proscrire les activités pouvant nuire au Lifestyle
  7. La nécessité de consommer des compléments alimentaires pour prendre du muscle

Point de vue très intéressant sur le « Fitgame », je le considère donc au départ, comme un concept qui prend en compte autant les débutants de la musculation que les professionnels du bodybuilding qui constituent en quelques sortes le moteur (et motivateur) d’un domaine qui va certainement plus loin, a priori, que la simple considération d’une communauté sportive en particulier. Le Fitgame va plus loin car, selon moi, la notion d’identification aux professionnels du milieu est particulièrement forte, sans doute plus forte que pour d’autres sports comme le football, le rugby ou la natation par exemple. Le pouvoir de l’image est naturellement plus fort pour le bodybuilding que pour le handball ou le hockey sur glace par exemple. A l’opposé, je ne me reconnais absolument pas dans ce monde du Fitgame puisque je considère la musculation tout d’abord comme un sport fonctionnel depuis le moment où j’ai levé mon premier haltère.

Un peu de réflexion sur la psychologie du corps prenait place au Body Fitness 2018…

Body Fitness 2018 machines de musculationParadoxalement, c’est la natation qui m’a ouvert les yeux sur cette réalité sportive. Nager vite me permettait de me déplacer très vite dans l’eau, autrement dit, dans un milieu a priori plus difficile à maitriser que la terre ferme. Et logiquement, un sport, quand il est bien pratiqué, permet de conserver un corps parfaitement fonctionnel et fort dans la durée. Benjamin et Jérôme n’ont d’ailleurs pas manqué de rappeler la phrase de Rousseau: « Plus le corps est faible, plus il commande, plus il est fort plus il domine« .

Autrement dit, plus le corps est faible, plus vous en serez assujetti, plus votre corps sera fort, plus il domine, c’est vrai mais aussi, plus il vous permettra de dominer, tant sur le plan physique que psychologique et de conserver vos fonctions cognitives intactes sur le long terme. En cela la perspective choisie par Benjamin Hennequin et Jérôme Cuadrado s’inscrit en contraste complet avec mon optique de fonctionnalité physique optimale permise par la musculation. Cela dit, les considérations « pathologiques » du milieu de la musculation se posent comme complémentaires et parfaitement illustrées par Jérôme et Benjamin. Alors… Pour leur redonner la parole, faut-il considérer le culte du corps au sens premier du terme, ou comme une religion du 21ème siècle ?

Faudrait-il alors considérer la musculation comme une nouvelle religion des temps modernes ?

Machines de musculation au salon parisien des sports de forceNos deux doctorants s’interrogent ensuite sur la manière de considérer la musculation. S’agit-il d’un sport à part entière ou plutôt d’un mode de vie complexe ? Les athlètes sont-ils victimes de dysmorphie musculaire dans le sens où ils consacrent entièrement leur existence à leur passion sportive ? Faut-il par là-même considérer la passion pour le bodybuilding comme un danger ou un « lifestyle » comme un autre ? Dans ce cas, la musculation serait plus qu’un sport mais à partir de quel point pourrait-on parler de pathologie, ou de « bigorexie » comme on l’entend parfois ? Naturellement, ces questions ont tout le loisir de s’articuler pleinement sur les réseaux sociaux, sur Facebook, Instagram et les autres mais aussi sur YouTube ou les influenceurs (coachs ou pseudo-coachs, athlètes passionnés, professionnels et experts…) n’ont de cessent de prodiguer leurs conseils et de faire vivre autant le Fitgame que la passion des athlètes à tous niveaux.
Cependant, parler de religion au sens propre me semble un peu excessif. Une religion, au sens premier du terme, fait référence au latin religere, se relier à… Donc, une religion est une manière de se relier à l’indicible, ou de chercher à se relier à ce qui nous dépasse, selon un dogme (religions monothéistes) ou une méthode (méditation…). Ici, ce genre de pratique n’a rien à voir avec la pratique sportive. J’aurais plutôt tendance à parler de style de vie, parfois dangereux quand il tombe dans l’excès mais certainement pas à le rapprocher d’une pensée religieuse. Au contraire, le bodybuilding est une construction du corps qui n’a donc rien de très religieux ni de très spirituel.

Les abus de certains revendeurs de compléments alimentaires bas de gamme devraient être dénoncés

A partir d’un certain degré, on pourrait également placer certaines entreprises spécialisées dans le complément alimentaire dans le cadre des abus, d’autant plus quand il s’agit d’entreprises qui flirtent de près avec l’illégalité, entreprises pyramidales, vendeurs de protéines ou de créatines de qualité douteuse et made in China.

Dans cette optique, il serait absurde de parler d’abus pour un athlète qui tient à boire son shake de protéines. Les sédentaires, obèses et autres experts du canapé ne comprendront jamais la notion d’aliment fonctionnel où, autrement dit, 25 grammes de protéines en poudre n’auront pour objet que de fournir un supplément qualitatif et quantitatif de protéines dans le cadre d’un quota journalier d’apport protéique, ni plus ni moins… (avec le goût de la vanille ou du chocolat en plus).

Alors… pensez-vous que le Fitgame soit un rêve ?

Machines de musculation et fitnessPour ma part, je n’ai jamais fait de mon sport un rêve mais une réalité quotidienne sans pour autant en faire une obsession. L’optique adoptée par Benjamin et Jérôme est bien-sûr différente de la mienne et dans un sens, ils ont tous deux raison de dénoncer les abus de ce qu’il faut bien appeler un système ou un business avec ses qualités mais aussi ses défauts. Disons qu’un salon comme le Body Fitness 2018 est aussi là pour présenter une certaine image du « Fitgame ».

Nombreux sont ceux qui vous vendront du rêve mais ce rêve, si j’ose dire, ne date pas de la naissance du « Fitgame » car il nous est déjà vendu depuis les années 1990 avec l’explosion du marché des compléments alimentaires. J’ai d’ailleurs encore de nombreux souvenirs de mes précieux Musclemag et autres Muscular Development ou Flex (l’original en anglais) où les publicités faisaient la promotion de belles boites de protéines ou de Gainers accompagnées de bodybuilders largement dopés. Déjà à cette époque pas si lointaine, l’image présentée par les magazines étaient biaisée par le marketing.

L’image et le culte du corps ne datent pas d’hier…

Body Fitness 2018Même si vous saviez parfaitement qu’un simple Gainer ne vous donnerait jamais un tel physique, l’idée d’une progression fantastique en masse musculaire s’était insidieusement insinuée dans votre inconscient. Le développement du marché de la créatine monohydrate et de la L-Glutamine, bientôt suivi par le lactosérum vont faire exploser le marché, en exacerbant encore ces concepts douteux et développés par le marketing.

Aujourd’hui, le marché du Fitgame a largement dépassé le milliard d’euros, alors qu’au sommet des entreprises douteuses, certaines d’entre elles essaieront toujours de vous vendre  des végétaux en poudre en proclamant haut et fort que vous serez coach sportif ou conseiller minceur en moins d’une heure.

Dans ces conditions, quand on est un jeune sportif en quête de gloire et avec des rêves plein la tête, difficile de trier le bon grain de l’ivraie. Pour ma part, j’essaierai toujours d’apporter ma petite pierre dans le domaine de la modération, notamment sur le plan scientifique. Ce qui me rassure aussi, c’est de voir que je ne suis pas seul et que des personnes de conviction sont également bien présents comme influenceurs positifs dans le monde du « Fitgame ». Prenons un instant pour les remercier…

Pour ma part, je me sentirais toujours un peu étranger à ce monde même si j’en fais un peu partie depuis maintenant près de 30 ans. Pourtant, et depuis très longtemps, j’ai toujours pensé que de prendre du recul par rapport au monde réel ou virtuel qui nous entoure permettait surtout de faire la part des choses entre l’authentique et les menteurs, un mode de pensée qui m’aura orienté depuis le début de mes études universitaires, autant pour la linguistique des langues que la psychologie (et surtout la psychanalyse) et la chimie organique, là où il n’est possible pour rien ni personne de mentir…

Eric Mallet

A propos de l'auteur

Passionné et pratiquant de la musculation depuis près de 28 ans, je me suis toujours intéressé au développement des ergogènes et de la nutrition sportive. Diplômé des universités Lille 3 et Paris 7, je travaille actuellement sur la rédaction de plusieurs ouvrages dont la sublimation par la culture physique et la musculation sur le plan psychanalytique. Consultant dans le domaine des compléments alimentaires, j'accompagne les entreprises dans le développement de leur stratégie de vente et de communication en matière de nutrition sportive. Espace Corps Esprit Forme est à considérer comme un blog de vulgarisation scientifique, destiné à aider les athlètes tout en leurs donnant des informations scientifiques utiles à leur pratique des sports de force.

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