Quelques nouvelles fraîches de la recherche sur la créatine, la cyclocréatine…

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A notre époque, nous avons pu voir et tester maintes formes de soi-disant nouvelles créatines sous formes de sels, d’esters, de chélates et d’alcools. Tous sont plus ou moins répandus et testés par les athlètes du monde des sports de force comme le bodybuilding ou le powerlifting, et même les sports d’endurance. Cependant, la cyclocréatine est une molécule pratiquement inconnue du grand public et des athlètes.

Aujourd’hui on dénombre, outre la créatine monohydrate, des éthyl esters, gluconate (créatine + glucose), la leucinate (créatine + leucine), le magnésium chélate, phosphate, créatine Hcl, di et tricréatine malate (acide malique) sont retrouvés dans les compléments alimentaires. la forme Alpha-Amino-N-Butyrate (acide butyrique), alpha kétoglutarate, nitrate, citrate, kre alkalyne (pH modifié) et d’autres encore se retrouvent aussi, n’en jetez plus la cours est pleine…

En théorie, l’assimilation de la créatine ne poserait pas de difficultés particulières

Créatine monohydrate Creapure par YAM Nutrition

La créatine monohydrate, toujours le premier complément de la force musculaire

Comme je le disais dans le précédent article sur les nutriments pour la force, la question de l’assimilation de la créatine monohydrate n’a pas été remise en cause et les autres formes de créatines (+ glucose, électrolytes ou intermédiaires du cycle de Krebs) semblent ne rien changer sur ce facteur ou très peu. Notez que pour d’autres molécules liées à la libération d’énergie comme le NADH, le PQQ, le nicotinamide riboside ou le Co Q10, la question ne se pose pas non plus. Toujours est-il que l’assimilation de la créatine au niveau intestinal n’est pas forcément maximale. C’est un a priori des chercheurs qui, aujourd’hui, a été remis en question. Cependant, la présence de transporteurs NaCl permettrait une métabolisation cellulaire de la créatine tout à fait normale, supplément ou pas. Cependant, c’est à partir de là que le problème se pose…

Si toutes les créatines sont équivalentes, toutes devraient donner à peu près les mêmes effets mais voilà… Sur le plan empirique, ça n’est pas le cas. Alors pourquoi ?

Disons que le problème ne se pose pas forcément au niveau de l’assimilation cellulaire mais de ce que vos cellules feront de cette substance. C’est ce que tend à démontrer la recherche scientifique. Cependant, les chercheurs ont longtemps cru que la créatine était parfaitement assimilée. Nous savons aujourd’hui que ce n’est pas tout à fait vrai. Cela expliquerait peut-être pourquoi certaines personnes ne répondent pas à la créatine mais il y a aussi d’autres raisons. On a d’abord cru que leurs stocks de créatine phosphate (ou phosphocréatine) et libre ne pouvaient être augmentés. Cependant, la réalité est plus complexe que cela. D’ici, je vous ai donné quelques pistes (transporteurs, non assimilation, métabolisation…). Ajoutons que de prendre un supplément de créatine monohydrate ne va pas générer une augmentation immédiate de vos réserves musculaires de phosphocréatine. Nous savons que cette augmentation peut demander plusieurs jours, sauf peut-être pour la créatine Hcl et tamponnée Kre-alkalyn dont les effets sont plus immédiats. Mais pour l’instant, revenons au point de départ afin d’y gagner en clarté d’explication.

La créatine, c’est quoi et ça prend quelles formes ?

Aussi appelée méthylglycocyamine, la créatine est un nutriment non essentiel car fabriqué par l’organisme à partir de trois acides aminés, l’arginine, la glycine et la méthionine. La créatine est aussi amenée par la nourriture ou les suppléments qu’il vous arrive de prendre parfois (sinon, vous seriez en train de lire autre chose que mon article). Au total, les muscles squelettiques stockent pour 95% de la quantité totale de la créatine contenue dans l’organisme humain; le reste étant retrouvé dans le cerveau, le foie, le cœur, les reins et les testicules. On évalue la quantité totale de créatine à 120 ou 140 grammes pour un individu de 70 kilos, soit une concentration de 110-160 mmol/kg de masse sèche.

La créatine recycle l’ADP en ATP pour une libération d’énergie plus rapide

Mêmes si on la considère comme non essentielle, la créatine est une molécule vitale à la contraction musculaire puisque l’énergie qu’elle libère est fournie au corps par l’hydrolyse de l’ATP en ADP puis en phosphate inorganique. Plus concrètement, la resynthèse de l’ADP en ATP est rendue possible par l’utilisation de la phosphocréatine (ou créatine phosphate) par le biais de la créatine kinase. Précisons d’ailleurs que si les muscles stockent 95% de la créatine, on retrouve une proportion de 40% de créatine sous forme libre et 60% de créatine phosphate.

Créatine et phosphocréatine

Une forme synthétique de la créatine assez prometteuse: la cyclocréatine

Structure moléculaire de la cyclocréatineLa cyclocréatine est une créatine de synthèse sous forme cyclique élaborée pour la recherche et dont la structure est caractéristique d’une forme cyclique mais sans aucun lien avec un stéroïde anabolisant. Précisons-le pour ceux qui chercherez à voir des liens de causes à effets qui n’existent pas. De là lui vient son nom de cyclocréatine ainsi que ses propriétés au niveau cellulaire. La cyclocréatine est biodisponible sous forme orale et pourrait servir de donneur de phosphates via le système enzymatique classique de la créatine kinase. Sa structure plane lui permet de passer la membrane cellulaire avec une dépendance moindre par rapport à ses transporteurs.

Une étude réalisée sur des souris présentant une absence de SLC6A8 – un transporteur cellulaire normalement présent au niveau de la barrière encéphalique – a permis de faciliter la diffusion passive de la cyclocréatine alors que la créatine n’atteignait pas ce niveau et donc, les cellules nerveuses. Les conclusions de l’étude sont appréciables, elles mènent à une réduction du retard mental en lien à l’augmentation du taux de cyclocréatine et des stocks de créatine phosphorylés (pouvant libérer un phosphate). Aujourd’hui, la cyclocréatine représenterait un espoir sérieux dans la lutte contre l’autisme, selon ce que révèle les chercheurs. En outre, l’augmentation de sa perméabilité lui permet également de jouer un effet anti-cancer, notamment contre le cancer du sein, selon ce que laisse penser les dernières recherches à ce sujet.

La cyclocréatine sur le plan athlétique et sportif

Cyclocréatine par ALRIAvant d’aller plus loin, je tiens à préciser que certaines de mes sources (sauf celles qui traitent de la recherche sur le cancer) ont été délivrées par la société ALRI qui commercialise actuellement le premier supplément à base de cyclocréatine, il faut donc relativiser leurs informations même si leurs références scientifiques sont sérieuses.

Mis à part le fait que cette nouvelle molécule est douée d’une assimilation passive particulièrement intéressante, il semblerait que la cyclocréatine présenterait une capacité réduite à servir de donneur de phosphates, à cause de son affinité moindre avec l’enzyme créatine kynase (environ 160 fois moins) malgré un processus de phosphorylation similaire. Une expérience réalisée sur des poulets laisse apparaître une accumulation de 60 mMole au niveau des muscles squelettiques. Ces données laissent penser que la cyclocréatine capture un groupe phosphate avant d’atteindre son équilibre moléculaire. En l’occurrence, elle pourra toujours donner un phosphate mais sa capacité de diffusion passive au niveau musculaire (par les récepteurs bêta adrénergiques 2) lui permettra surtout d’atténuer la perte de glycogène avec la phosphocréatine (ce qui indique une préservation de l’ATP) . Donc, si la cyclocréatine présente une capacité moindre à libérer ses phosphates, elle permettra un stockage plus élevé de ces derniers, préservant par ce mécanisme d’assimilation différent, une réduction probable de l’utilisation du glycogène musculaire. Cependant, la relation entre le turn over phosphocréatine/ATP et la bascule créatine vers glycolyse s’avère particulièrement complexe. Nous ne pouvons donc pas entrer dans les détails ici.

Sur le plan athlétique, on peut donc penser que la cyclocréatine aurait un avenir puisque l’expérience suggère un soutient des stocks d’ATP et du glycogène musculaire, voire à une augmentation significative. On pourrait donc raisonnablement penser que cette nouvelle molécule permettra de gagner en nombre de répétitions sur un même exercice. Ces données scientifiques ont d’ailleurs été reprises par ALRI qui en tire les mêmes conclusions. A voir la composition de leur nouveau produit (Cyclo-Creation), il s’agit de cyclocréatine phosphate. On peut donc penser que la liaison au phosphate puisse permettra une augmentation plus rapide des stocks, et donc, de préserver les réserves d’ATP.

Explication par l’image du mécanisme d’action de la cyclocréatine

ATP phosphates adénine ribosePour expliquer simplement les choses, imaginez que vous êtes dans une usine (la cellule) et que les ouvriers aient besoin d’un élément (le phosphate) pour assembler un élément final (l’ATP) avant utilisation. D’une part, la créatine permettra de fournir l’élément plus rapidement aux ouvriers pour créer le produit fini, qui sera ensuite utilisé. Seulement, les réserves d’éléments (phosphates) vont finir par se réduire (fin des stocks de créatine) et les ouvriers ne pourront plus livrer le produit fini à la même vitesse.

Maintenant, la cyclocréatine agira en gardant les éléments pour elle en produisant des stocks. Au bout d’un moment, elle fini par céder ses éléments premiers mais ils sont plus nombreux. Cela permet aux ouvriers de livrer le produit fini avec la même efficacité tout en disposant toujours d’un stock suffisant d’éléments pour construire le produit final (l’ATP). Le produit fini se retrouvera donc stocké en plus grande quantité dans l’usine, il pourra donc être utilisé sur une période de temps plus longue sans craindre de rupture d’éléments premiers (les phosphates).

Essayons d’en savoir un peu plus sur cette nouvelle forme de créatine

Les expériences réalisées sur des poulets ont également montré que la présence de cyclocréatine persistait lorsque l’alimentation des gallinacés n’en contenait plus. La concentration de cette molécule avait augmenté alors que la concentration totale de créatine avait diminué pour retrouver un niveau normal de pré-supplémentation. A ce point, la cyclocréatine avait subi une transformation totale en cyclocréatine phosphorylée (CC + Phosphate), laquelle persistait toujours bien même alors que la molécule n’était plus supplémentée. Les chercheurs en arrivèrent à cette constatation en concluant que la cyclocréatine phosphorylée n’était pas dégradée en lactame cyclique (l’équivalent de la créatinine pour la phosphocréatine ou la créatine libre) et donc qu’elle pouvait non seulement affecter le potentiel de phosphorylation des cellules mais qu’elle pouvait également jouer un rôle important sur la fonction musculaire.

A poursuivre l’expérience, les chercheurs se sont rendus compte que la cyclocréatine induisait une phosphorylation (ajout d’un groupe phosphate pour former de la phosphocréatine) de 98% par opposition au 70% d’efficacité de la créatine classique. Cette différence s’explique par un perte réduite de phosphate pour la cyclocréatine (hydrolyse) par rapport à la créatine phosphate présente au niveau cellulaire. La prise de ce dérivé de la créatine va donc induire une augmentation des stocks de phosphates, contrairement à la créatine monohydrate classique qui finira par atteindre un seuil standard.

En conclusion sur la cyclocréatine

Si la majorité des créatines déjà proposées donnent des résultats mitigés sans vraiment dépasser le monohydrate classique, la cyclocréatine présente aujourd’hui l’avantage d’être assimilée de manière plus élevée et donc, d’offrir une aide probable aux non-répondants à la créatine. La cyclocréatine possèderait en outre, l’ensemble des caractéristiques propres à la créatine ordinaire, notamment sur l’hyperplasie et l’influence sur la prise de force et de masse musculaire sèche.

Parmi les principaux avantages de cette nouvelle molécule, on sait aujourd’hui qu’elle renforce les stocks cellulaires de phosphate, contrairement à la créatine ordinaire, qu’elle le fait plus rapidement et qu’elle préserverait les stocks de glycogène et d’ATP. Les recherches entreprises sur la cyclocréatine démontre surtout l’importance de la phosphocréatine et des réserves de phosphates en relation à l’endurance musculaire. Ensuite, il s’agit de savoir si les promesses sont tenues pour ce nouveau produit, l’expérimentation restant la seule réponse à cet attente.

Le texte original, les schémas et tableaux qui m’ont servi à rédiger cet article sont consultables sur le site d’ALRI Industries pour la cyclocréatine. Malheureusement le pdf original n’est plus en ligne. Les références ci-dessous vous donneront cependant, un supplément d’informations.

Note EM: Depuis le 27 juin 2016, la cyclocréatine est considérée en France comme un médicament orphelin. Dieu sait encore quelle raison a poussé les autorités françaises et européennes à considérer cette molécule comme telle. En 2017, la cyclocréatine n’est plus disponible nulle part.

 

 Références scientifiques

  •  *Griffiths G. Walker J. Accumulation of analog of phosphocreatine in muscle of chicks fed 1-carboxymethyl-2-iminoimidazolidine (cyclocreatine). Journal of Biological Chemistry. 251(1):2049-54,1976.
  • Bemben M, Lamont H. Creatine supplementation and exercise performance: Recent findings. Sports Med, 35:107-25, 2005.
  • Demant T, Rhodes E. Effects of creatine supplementation on exercise performance. Sports Med, 28:49-60, 1999
  • Mesa J, Ruiz J, Gonzales-Gross M, Sainz A, Garzon M. Oral creatine supplementation and skeletal muscle metabolism in physical exercise. Sports Med, 32:903-44, 2002.
  • Rowley G. Greenleaf A. Kenyon G. On the specificity of creatine kinase, new glycocyamines and glycocyamine analogs related to creatine. J Am Chem Soc, 93:5542-51, 1971.
  • Osbakken M, Ito K, Zhang D, Ponomarenko I. Ivanics T. Jahngen E. Cohn M. Creatine and cyclocreatine effects on ischemic myocardium: 31P nuclear magnetic resonance evaluation of intact heart. Cardiology, 80(3-4):184-95, 1992
  • Turner D. Walker J. Enhanced ability of skeletal muscle containing cyclocreatine phosphate to sustain ATP levels during ischemia following beta-adrenergic stimulation. J Biol Chem, 262(14):6605-9, 1987.
  • Maril N et al., Kinetics of cyclocreatine and Na(+) cotransport in human breast cancer cells: mechanism of activity, Am J Physiol., 1999.
  • McLaughlin AC, Cohn M, Kenyon GL. Specificity of creatine kinase for guanidino substrates. Kinetic and proton nuclear magnetic relaxation rate studies, J Biol Chem., 1972.
  • Annesley TM, Walker JB. Cyclocreatine phosphate as a substitute for creatine phosphate in vertebrate tissues. Energistic considerations, Biochem Biophys Res Commun. 1977.
  • Griffiths GR, Walker JB. Accumulation of analogue of phosphocreatine in muscle of chicks fed 1-carboxymethyl-2-iminoimidazolidine (cyclocreatine), J Biol Chem. 1976.

A bientôt pour d’autres articles et n’oubliez pas de développer votre culture physique !

Eric Mallet

A propos de l'auteur

Passionné et pratiquant de la musculation depuis près de 28 ans, je me suis toujours intéressé au développement des ergogènes et de la nutrition sportive. Diplômé des universités Lille 3 et Paris 7, je travaille actuellement sur la rédaction de plusieurs ouvrages dont la sublimation par la culture physique et la musculation sur le plan psychanalytique. Consultant dans le domaine des compléments alimentaires, j'accompagne les entreprises dans le développement de leur stratégie de vente et de communication en matière de nutrition sportive. Espace Corps Esprit Forme est à considérer comme un blog de vulgarisation scientifique, destiné à aider les athlètes tout en leurs donnant des informations scientifiques utiles à leur pratique des sports de force.

2 Commentaires

  1. Pierre Aribaut -  7 avril 2017 - 15 h 27 min

    Bonjour, je n’avais pas entendu parler de cette forme de créatine, je vois que l’article date de décembre 2012, nous sommes en 2017, quelles sont les news depuis sur la cyclocréatine ? On a un peu plus d’études intéressantes et de recul sur le sujet ?

    http://zetrader.fr
    • Eric -  7 avril 2017 - 22 h 21 min

      Bonjour Thibaut,

      A ma connaissance, il y a eu peu de suivi sur la cyclocréatine. Je vais quand même vérifier mais je pense que la recherche scientifique n’a pas suivi cette molécule.

      Merci pour votre question.
      Sportivement,
      Eric

      https://www.espacecorps-espritforme.fr/

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